2004
Le Crêt de la Neige est le plus haut sommet du massif du Jura. Il y a longtemps eu une polémique entre le Reculet et le Crêt de la Neige ; ce n’est qu’en 2003 que fut officialisé le point culminant : une bosse boisée située à environ 400 m au nord-est du sommet « officiel » du Crêt de la Neige, située à 1720m ! Le Reculet ne fait que 1718 m…
Nous étions partis en vacances en cette fin d’année avec Béa et Dwaine qui avait 8 mois, dans la station de Lelex. Nous avions fait une petite balade en ski de fond ; Béa chaussait des skis pour la première fois (et la dernière !), moi je portais Dwaine sur le dos avec le porte-bébé. Après un bon moment à galérer sur la piste, Béa décidait de déchausser et de rentrer à la station, d’autant plus que le temps s’était dégradé au point que c’était la tempête de neige, un blizzard de ouf ! Je glissais vers la station avec Dwaine sur le dos qui pleurait en se prenant la neige et le vent… Béa n’est jamais remonté sur des skis…!
Pour en revenir à mon sommet, je pars seul un matin raquettes aux pieds depuis la station. Des lacets dans la forêt m’emmènent jusqu’à une pancarte m’indiquant le sommet mais ce n’est pas le vrai sommet ! Il faut suivre la crête vers le nord-est quelques centaines de mètres jusqu’à une bosse un peu plus élevée. Je suis sur le sommet du Crêt de la Neige (1720 m). Il fait très beau quoiqu’un peu nuageux, la vue est superbe, on voit la chaîne des Alpes au-delà de la Suisse, le Mont Blanc… Je poursuis dans la même direction pour atteindre un peu plus loin le Grand Crêt (1702 m). Je continue encore et redescend vers Lelex pour achever la boucle de ma randonnée.





















Cela aurait pu en rester là mais voilà qu’en septembre 2024 une nouvelle fracassante tombe :
« Le massif du Jura a un nouveau point culminant depuis quelques jours. Les chercheurs de l’Université de Lausanne ont découvert un nouveau sommet dans le massif situé entre la France et la Suisse, mesuré à 1720,83 mètres, soit 2,75 mètres de plus que l’ancien point culminant de la région, le Crêt de la Neige (1718 mètres). Le sommet, nommé J1 – en référence au fameux K2 – est situé dans la réserve naturelle de la Haute Chaîne du Jura, dans le département de l’Ain. Situé dans une réserve naturelle protégée, le J1 est un sommet dont les coordonnées exactes restent secrètes. C’est donc pour préserver le site que les scientifiques ont décidé de ne pas livrer sa localisation précise. »
La nouvelle avait de quoi surprendre, d’autant plus que la question du point culminant du Jura était un sujet déjà amplement discuté au cours des dernières décennies, notamment pour déterminer qui, du Reculet ou du Crêt de la Neige, détenaient ce titre symbolique.
Et de surprise, en fait, il n’y en a pas vraiment : interrogé début novembre, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) – l’homologue, en France, de l’Office fédéral de la topographie (Swisstopo), chargé notamment de réaliser et publier les cartes topographiques du territoire – l’a confirmé à RTSinfo : ce sommet était déjà connu.
Ce sommet et son emplacement figurent d’ailleurs en bonne et due forme sur le géoportail français, le portail en ligne de la cartographie. Sans nom, mais coté à l’altitude 1720 mètres, soit deux de plus que le sommet voisin du Crêt de la Neige. « Il s’agit bien du même sommet [que celui mesuré par l’Université de Lausanne], à quelques dizaines de centimètres près », détaille Hervé Quinquenel, chef de l’équipe Cartographies et chaîne graphique au sein de la Direction des opérations et des territoires de l’IGN.
2025
Tout cela me titille et je me permets d’envoyer un mail à l’IGN, qui me confirme que le fameux J1 correspond bien au point coté 1720. Mais en 2004 suis-je bien passé sur ce point, n’étant pas muni d’instrument de localisation comme maintenant ? Rongé par le doute je décide d’y retourner, à l’occasion d’une virée en région Rhône-Alpes. Après un trail en Isère et une visite chez mes amis Dako et Milou en Savoie, sous un beau soleil me voici au départ du sentier pour refaire l’ascension déjà faite plus de 20 ans auparavant.
Dès le départ du sentier je m’aperçois que mon téléphone n’a plus que 40% de batterie. C’est ballot ! Sachant que j’en ai besoin pour me localiser, et faire des photos. Bon il va falloir l’éteindre et le rallumer sans arrêt toute la journée. Bon c’est parti, dès le début ça grimpe bien raide à travers la forêt. Après 2 heures de grimpette me voici à une intersection avec des panneaux. À droite est indiqué « Crêt de la Neige 1h » et à gauche « Crêt de la Neige 1h15 ». Je vais prendre à droite bien sûr, en plus d’après la carte ça me permet de faire une boucle, alors qu’à gauche ce serait en aller-retour. Bon il y a bien un panneau en travers du chemin qui indique que c’est interdit à cette période car c’est zone de protection animale, mais je vais me faire discret et je tente le coup ! À partir de 1400 m je commence à traverser des névés et au fur et à mesure que je monte, et il y a de plus en plus de neige. Je vois beaucoup de traces d’animaux mais aucunes traces d’humains. Je pense reconnaitre des traces de loup, ou de lynx. La neige est de plus en plus profonde, à tel point que j’ai du mal à progresser, j’enfonce jusqu’aux mollets, voire aux genoux ! J’ai mis mes chaussures de trail qui sont déjà bien usées et j’ai les pieds mouillés. Je me demande si je ne vais pas abandonner, mais je vois que je ne suis plus très loin de la crête. J’insiste – abandonner, moi ? il m’en faut plus que ça ! – et je quitte le sentier que l’on devine qui suit des combes bien enneigées, pour couper dans la forêt. C’est plus raide mais la neige est moins épaisse. Et tout d’un coup je débouche sur le sentier qui suit la crête. Je croise 2 randonneuses qui me confirment que le sommet est tout proche. En effet rapidement j’atteint le sommet, annoncé par une pancarte, qui donne l’altitude de 1720 m, alors que la carte IGN indique 1718 m. En fait d’1h15 c’est plutôt 2 h qu’il m’a fallu. Il y a un autre couple de randonneurs, qui m’indiquent que le vrai sommet est un peu plus loin, on le voit sur la crête, recouvert d’arbres. Je me dirige dans sa direction. Il y a beaucoup moins de neige maintenant sur la crête, qui est plus exposée au soleil. Le sentier quitte la crête, redescend un peu et la longe sur environ 400 mètres. Je repère le sommet sur une bosse avec des arbres et quitte le sentier pour grimper jusqu’au vrai sommet du Crêt de la Neige (1720 m) ! Le J1, comme disent les Suisses ! Sur mon appli Visorando je suis bien au point coté 1720.
Je prends des photos et plus tard je les comparerai avec celles de 2004. Je ne suis pas sûr d’être venu la première fois à cet endroit exact, peut-être la bosse d’avant, il y a un doute… À l’époque c’était en hiver et il y avait vraiment beaucoup de neige. Par contre si je compare ma photo avec une photo récupérée sur internet, prise du J1, je suis bien au vrai sommet.
Mission accomplie, je reprends le sentier et après une bonne demi-heure j’atteins le sommet du Grand Crêt (1702 m). Il est temps pour moi de redescendre dans la vallée. Justement des gros nuages gris approchent et bientôt c’est sous la pluie que je suis le sentier qui descend vers Lelex. Je débouche à un moment de la forêt et je suis en haut d’une longue piste de ski. Ça doit être une piste noire car elle est bien raide ! En tout cas c’est ma direction et c’est parti tout schuss dans la pente ! En fait cette partie herbeuse – il n’y a plus de neige là – m’évite un détour dans le sentier caillouteux et accidenté qui serpente dans la forêt. Arrivé en bas de la piste je rejoins le sentier et je suis dans les derniers lacets, je vois d’ailleurs ma voiture sur le parking quand tout d’un coup je glisse sur la terre mouillée. Je vais tomber sur le cul, je met ma main au sol et en me propulsant vers l’avant je suis entrainé par mon sac à dos et je fais un roulé-boulé pour aller m’éclater quelques mètres plus bas ! Heureusement plus de peur que de mal ! Bref j’arrive à la voiture bien fourbu, sous la pluie, après plus de 7 heures à crapahuter, en me disant que je vais rejoindre le gîte que j’ai réservé quand je m’aperçois que ma clé de voiture – électronique ! – ne peut plus ouvrir, la pile est morte… Et je sais pas ouvrir avec l’espèce de clé métallique que l’on trouve dans le boitier.
Bon je vous raconte pas toutes les péripéties mais encore une fois je m’en suis sorti !
















