Pour une fois, le compte-rendu est réalisé par Delphin, compagnon de cordée depuis des années ; je lui laisse la « plume » :
Cette année, Serge me propose de gravir le Rocher Rond, point culminant de la Drôme et du parc naturel régional du Vercors. Je regarde sur Google, 2453 m d’altitude, pas de difficulté apparente. Je propose donc à Linda de nous accompagner, qui accepte sans hésiter 🙂 Elle veut tester notre passion : la montagne, l’alpinisme. Serge sera donc notre guide ! Ce sera la première fois qu’elle viendra avec nous. On la rassure, le sommet est accessible, pas besoin de guide professionnel. Il faudra peut-être chausser les crampons vers le sommet et s’équiper des piolets pour être dans l’ambiance 🙂 C’est parfait pour une petite initiation à l’alpinisme. Il nous faudra une longue journée pour gravir le sommet, aller-retour. Pas de refuge donc, Linda aura tout le confort des gîtes français : eau chaude à gogo et baignoire pour shampouiner sa crinière blonde et tartiner son corps de diverses crèmes 🙂
Le jour J arrive. Je n’ai aucun souvenir du trajet. Le gîte est très sympathique. Il se trouve dans la roche, l’intérieur est rustique et chaleureux. Il y a des chats un peu partout dans la cour et dans les alentours. Les propriétaires sont sympas et accessibles. Le type travaille 2 semaines par mois en Suisse, puis passe 2 semaines à retaper le gîte et à aménager de nouvelles chambres, il prépare sa retraite comme il dit.
Au petit matin, nous sommes réveillés par un chat qui miaule, pour rentrer par le vasistas que l’on a laissé ouvert 🙂 Il s’agit du chat des propriétaires du gîte. Apparemment il fait régulièrement ça avec les clients nous dira la femme du gîte. Petit déjeuner pris, on se dirige en voiture vers le début de la marche.
On se gare et on prend le chemin d’approche sur les 400 premiers mètres. Ensuite, plus rien. On compte sur le sens de l’orientation de Serge qui a dû apprendre par cœur le topo de CampToCamp. Je ne doute pas qu’il a tout noté sur une antisèche pour ne pas perdre le Nord 🙂
Très vite, on se rend compte qu’il a oublié de prendre les baudriers et la corde… Linda n’est pas étonnée (ils sont collègues), elle nous raconte pour la N° fois, la fois où Serge avait oublié sa serviette (ou son maillot ?), je ne sais plus à quelle occasion, lors d’un voyage avec leur entreprise. Elle le charrie en disant qu’un jour il en oubliera sa tête, mais jamais une tartiflette ! On décide de continuer sans ce matériel, le sommet étant facile, on ne devrait pas en avoir besoin.
Linda parle beaucoup… Je lui recommande de garder son souffle, lui dit qu’elle en aura besoin pour le retour. Linda continue à parler autant, du souffle, elle en a ! On ne verra aucune marmotte, elles l’entendent arriver à des kilomètres. A un moment, nous devons franchir un court passage légèrement délicat : une dalle de pierre, sur laquelle on devra se mettre à quatre pattes, et s’agripper à ce que l’on pourra. De mémoire, peu de prises, Linda ne parle plus, elle est concentrée. C’est l’histoire de quelques secondes et hop, le passage franchi, le moulin à parole reprend 🙂
On marche tranquillement, on suit Serge qui ouvre la route, imperturbable. Il fait le job. Plus on monte, plus il fait frais, la température baisse, le brouillard s’invite. Viennent les premières traces de neige. Un peu plus tard, on chausse les crampons, une première pour Linda. Les yeux brillent, le contact de l’acier, des pointes acérées sous nos boots nous excite. On est de grands enfants…
Le sommet est atteint sans aucun souci, en suivant une courte arête mixte neige / pierre. C’est ma première sortie où je ne galère pas comme un rat mort. Félicitations de rigueur, photos au sommet, puis on repart en sens inverse. Linda a un sacré souffle, elle est toujours en train de raconter des anecdotes, et de nous dire “c’est bien les gars !”.
La descente demande concentration car la pente est un peu raide mais rien d’exceptionnel. C’est toujours plus compliqué de descendre que de monter. Bonne neige, les pieds accrochent bien avec les crampons. Puis tout à coup, Linda tombe assise devant moi. Elle garde les jambes raides et tendues devant elle, elle commence à partir en glissade dans la pente et à prendre de la vitesse ! Un cri ! Tout va vite. Aucune corde entre nous pour la retenir et elle n’a pas pris son piolet, qui apparemment était fixé sur mon sac !? La première chose à faire en cas de chute sur une pente, c’est d’essayer de planter ses crampons et/ou de se mettre sur le ventre et de planter son piolet en le maintenant à 2 mains, sur le bras et sur la tête de ce dernier. Linda n’a pas le temps de savoir comment réagir, elle est gênée par son bâton de marche. Elle prend de la vitesse. Serge, en dessous, réagit rapidement, fait 2, 3 pas dans sa direction et se jette sur elle pour l’arrêter ! Du dessus, je vois tout, le piolet de Serge passe pas loin des visages. La chute est stoppée, le guide a assuré ! Nous reprenons la descente, il y a du gaz, Linda ne parle plus, elle descend prudemment avec son piolet cette fois-ci. La suite de la descente se fait calmement, dans le silence 🙂
Une fois la plaine atteinte, un petit casse-dalle et une pause sieste pour se remettre des émotions ! En tout, l’aller-retour nous aura demandé 8h. Pour une fois, je ne finis pas sur les rotules !